vendredi 31 octobre 2014

Back to the future



Drame/Thriller/Intrigue travaillée mais rythme trop lent

Réalisé par Matthieu Delaporte
Avec Mathieu Kassovitz, Marie-Josée Croze, Eric Caravaca, Siobahn Finneran, Olivier Rabourdin, Philippe Duclos, Geneviève Mnich, Bernard Murat...

Long-métrage Français
Durée : 1h58m
Année de production : 2013
Distributeur : Pathé Distribution

Date de sortie sur nos écrans : 19 novembre 2014


Résumé : Sébastien Nicolas a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre. Mais il n’a jamais eu d’imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu’il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour.

Bande annonce (VF)



Featurette (VF)



La campagne de promotion originale et controversée
 du film UN ILLUSTRE INCONNU

UN ILLUSTRE INCONNU a piégé quarante influenceurs digitaux en clonant leurs profils Facebook.

Et si un matin vous receviez une demande d’ajout d’ami sur Facebook, d’une personne portant votre nom, avec quelques amis en commun et la même photo de profil... à un détail près ? Et si cette personne avait également le même fil d’actualité que vous, les mêmes pages Likées ? Quelle serait votre réaction ?

C’est l’expérience que Pathé a fait vivre à quarante personnalités influentes le mercredi 15 octobre, pour la promotion du film UN ILLUSTRE INCONNU, au cinéma le 19 novembre 2014.

A l'instar du film où Sébastien Nicolas joué par Mathieu Kassovitz copie et imite les gens qu'il rencontre, les quarante influenceurs ont été virtuellement imités par cet illustre inconnu.

Le plus intriguant à la découverte de ces profils clones : un regard sombre apparaît sur toutes ces photos, celui de Mathieu Kassovitz.

C’est donc totalement immergées dans le film et dans ses thématiques centrales - identité et duplicité - que ces personnalités ont pu découvrir la bande-annonce via une vidéo personnalisée pour chacun d'entre eux de Mathieu Kassovitz.

Par la suite, ils ont reçu une invitation à l'avant-première en présence de l'équipe du film.



Dans les heures qui ont suivi, les influenceurs avertis de la supercherie ont réagi :
"L'idée est aussi risquée que brillante [...] son exécution est digne des campagnes marketing "créatrices de buzz" que les Américains lancent régulièrement et qui reposent sur un brouillage des frontières entre réalité et fiction. »  LePoint
"Une promo quand même bien réussie, car ça montre qu’on peut facilement prendre notre place sur Facebook. Un Illustre Inconnu peut facilement le faire, je valide la promo et j’irai voir le film.''  Lyricis
''Une géniale campagne de pub visant à promouvoir le prochain film avec Matthieu Kassovitz, Un Illustre Inconnu.'' Commeaucinema.com
"Si le coup de com’ est réussi (Le Point a écrit un article dessus, plusieurs blogueurs ont fait de même… et moi aussi), le résultat laisse un goût amer." Konbini
Comme ces citations le montrent, cette opération à la limite des codes de bonne conduite du web, a suscité un effet de choc chez certains influenceurs.

Aucun élément des profils Facebook clonés n'a été utilisé dans le cadre de la promotion du film, mais uniquement dans l'interaction avec chaque influenceur dans le but de les inviter à l'avant-première.

L'équipe Marketing Nouveaux Média de Pathé souligne : "C'était une volonté que de mettre certaines personnalités influentes sur internet face à leurs propre données publiques, les incitant à réfléchir sur la portée des informations laissées visibles sur le web."


Ce que j'en ai pensé : UN ILLUSTRE INCONNU ne m'a malheureusement pas passionné. Je reconnais le travail important réalisé au niveau de l'intrigue. Elle est travaillée pour amener une vision inattendue de la névrose décrite. L'idée de départ est très bonne en plus. La thématique du manque d'identité et de la recherche d'une existence dans la vie des autres est intéressante. Mais le rythme est beaucoup trop lent pour moi. J'ai trouvé le film long. Le style du film, un peu vieille France, ne m'a pas permis de m'immerger dans l'histoire. Dans la scène d'introduction, j'ai compris ce qui allait se passer dans la première moitié du film. La deuxième moitié du film réserve plus de surprises car la névrose du personnage principal peut potentiellement s'exprimer de plusieurs façons. A partir de là, le réalisateur nous emmène où il veut. 
Je tenais à découvrir UN ILLUSTRE INCONNU car j'apprécie beaucoup le travail de Mathieu Kassovitz autant en tant qu'acteur que réalisateur. Aussi j'étais curieuse de découvrir son interprétation dans ce rôle trouble. Il est très bon. Son jeu permet de comprendre son personnage, Sébastien Nicolas. Le spectateur ressent le vide intérieur de Sébastien et le voit se transformer quand il adopte une vie qui n'est pas la sienne. En plus, il parvient à introduire des petites variations dans ces différentes interprétations de Montalte qui permettent de distinguer tout de suite lequel il joue à chaque instant (c'est un peu compliqué mais on comprend l'intelligence de son jeu en voyant le film).






Pour le reste, les interprétations étaient un peu trop théâtrales à mon goût. Les interactions ne font pas forcément crédibles.
Ce n'est pas mon genre de cinéma mais il est certain qu'il trouvera un public puisqu'il offre un contenu sérieux et solide. Sur la forme, je vous laisse juger si oui ou non, ce genre de film peut vous plaire.


Session de questions/réponses avec l'équipe du film

J'ai découvert le film en avant-première. Après la séance, le réalisateur, Matthieu Delaporte, le scénariste, Alexandre De La Patellière (co-scénariste avec le réalisateur) et l'acteur principal, Mathieu Kassovitz ont eu la gentillesse de venir répondre à nos questions.
Vous pouvez voir cette intéressante session de questions/réponses dans les deux vidéos ci-dessous. Mais attention, elles contiennent des spoilers



Notes de production
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

E N T R E T I E N A V E C
MATTHIEU DELAPORTE

Comment passe-t-on du PRÉNOM à UN ILLUSTRE INCONNU ? 

Quand on réfléchit à un film avec Alexandre de la Patellière, avec qui je travaille depuis quinze ans, on a une sorte de dialectique ininterrompue : on parle politique, on passe d’un sujet à l’autre, on imagine des projets qu’on abandonne, et d’autres qu’on retient, sans aucune stratégie de carrière. Le projet d’UN ILLUSTRE INCONNU existait avant LE PRÉNOM, et grâce au succès de la pièce, puis du film, on a pu mettre en chantier ce nouveau projet. On avait vraiment envie d’explorer un nouvel univers et on écrit comme on est spectateur : on aime des cinémas très différents et on a des envies d’écriture qui se nourrissent de sources extrêmement diverses. On a la chance d’avoir un producteur, Dimitri Rassam, et le soutien d’un groupe, Pathé, qui nous accompagnent et nous permettent de réaliser nos envies de cinéma. Un peu à la manière des frères Coen, avec Alexandre, on fait tous nos films ensemble, mais nos rôles et notre implication changent en fonction des projets. Nous avions coréalisé LE PRÉNOM. Pour UN ILLUSTRE INCONNU, nous avions dès l’écriture décidé que je réaliserais seul et qu’il produirait le film avec Dimitri, en « sparring partner » quotidien. J’ai passé beaucoup de temps sur le plateau, et lui en salle de montage, avec notre monteuse Célia Lafitedupont, avec un regard neuf sur ce qui se tournait. 

Comment s’est déroulée l’écriture ? 

L’écriture d’UN ILLUSTRE INCONNU, au départ, a été guidée par une réflexion sur l’identité. Personnellement, la transsexualité est une problématique identitaire qui m’intéresse. Non pas tant pour la dimension sexuelle, que pour l’inadéquation entre l’être intérieur d’un individu et son être extérieur : comment expliquer qu’on puisse être convaincu de ne pas être ce qu’on donne à voir de soi ? UN ILLUSTRE INCONNU a donc démarré par un questionnement sur la solitude : qu’est-ce que cela représente d’être soi face aux autres ? On est à l’heure actuelle ancrés dans une société de la solitude et du fantasme : on observe constamment la vie des autres, et on a de plus en plus de mal à distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Au fond, ce qui m’intéressait chez Sébastien Nicolas, le protagoniste interprété par Mathieu Kassovitz, c’est qu’on éprouve tous ses pulsions, ses envies et ses désirs, à des degrés divers bien entendu. 

Comment avez-vous élaboré le scénario ? 

L’écriture s’est mise en place par strates. Au départ, je suis parti du protagoniste avec Alexandre : il y avait une cinquantaine de pages de voix-off sur l’histoire et le passé du personnage. Progressivement, j’ai réduit cette matière parce que j’avais le sentiment qu’il y avait deux films : l’un portant sur l’enfance et l’autre sur l’âge adulte. Mais je me suis rendu compte qu’en gommant sa jeunesse, on rendait le personnage plus mystérieux, tout en créant davantage d’empathie pour lui. La biographie n’expliquant pas tout, je préférais m’attacher à des éléments plus légers et plus succincts. À cet égard, on s’est posé pas mal de questions avec Alexandre : fallait-il imaginer un traumatisme initial au protagoniste ? Pas forcément. Pour expliquer la différence ou l’anormalité, on donne souvent au spectateur une explication traumatique qui permet de comprendre le phénomène de manière rationnelle. Mais c’est assez réducteur car, même si on est le fruit de notre histoire, on ne se résume pas à celle-ci : je trouvais plus fort que chacun puisse y mettre du sien et y projeter des choses différentes. 

D’emblée, vous souhaitiez adopter le point de vue de Sébastien Nicolas ? 

Le point de départ était vraiment de dire «je» tout au long du récit et d’écrire l’histoire de quelqu’un qui a l’impression de n’être personne… à la première personne ! Les individus qui souffrent de ce trouble identitaire – la dépersonnalisation – n’ont pas d’univers imaginaire et sont dans l’autoanalyse permanente : ils racontent volontiers qu’ils ont un sentiment de déréalisation et qu’ils se sentent «décoller». D’ailleurs, tout leur vocabulaire se rapproche d’un lexique cinématographique : ils parlent de personnages, de figurants, d’irréalité etc. Je voulais donc raconter l’histoire de cet homme qui a le sentiment de ne pas exister et de ne pas faire partie du monde, mais qui a cette magistrale capacité à copier puisqu’il n’a pas d’imaginaire et qui, chemin faisant, se cherche chez les autres. Et je souhaitais traiter par le romanesque et la fiction cette quête identitaire qui est de l’ordre de l’intime et de la psychanalyse. Les gens qui souffrent de ce trouble sont, au fond, des êtres de fiction pure puisqu’ils aspirent à ce que leurs rêves deviennent la réalité : quand on rêve en général, on est quelqu’un d’autre le temps du rêve, mais les gens qui cherchent de manière identitaire à devenir quelqu’un d’autre tentent de prolonger leurs rêves. Ce qui m’intéressait, c’était précisément de ne pas m’attacher à un usurpateur, endossant la personnalité d’autrui pour gagner de l’argent ou pour tromper l’autre, mais pour lui-même. Dans le film, il s’agit d’une quête personnelle : Sébastien Nicolas veut devenir un autre pour devenir lui-même. 

Vous souhaitiez depuis le départ démarrer par le suicide du protagoniste ? 

Oui, les 15 premières minutes ont toujours été celles-là. Avec Alexandre, on parle beaucoup des films et on ne commence à les écrire que quand on a une trame : on ébauche des monologues, on lance des scènes, on structure l’histoire, et ensuite on s’attelle à l’écriture. On entre ensuite dans les méandres de la narration et les questionnements du genre : sa jubilation vient-elle du fait de tromper les autres ou s’agit-il d’un plaisir intérieur ? Il me fait penser à la figure du travesti, qui ne se sent vivant que quand il se déguise en femme : il tente l’expérience de se vêtir en femme parmi des gens qui ne le connaissent pas et qui le prennent pour une femme, jusqu’à ce qu’il saute le pas et qu’il se transforme totalement, comme dans une sorte de voyage ultime. Comme le transsexuel, il se réconcilie avec lui-même. Il se réconcilie avec le miroir. Il adapte son corps à ce qu’il a toujours été. Le point de départ a toujours été celui-là.

Le comportement du protagoniste évoque celui d’un tueur en série : maniaque, méticuleux, obsessionnel, précis. Et pourtant, il ne tue jamais personne… 

Une des clés que j’avais donnée à Mathieu Kassovitz, c’était de se considérer comme un tueur en série qui ne passe pas à l’acte : je voulais jouer sur tous les codes du serial killer, tout en m’intéressant à un homme incapable de faire le mal. Il a beaucoup plus de facilité à se faire souffrir lui-même qu’à faire souffrir autrui, et il a d’ailleurs peur de s’affranchir de sa famille. Très souvent, les gens qui souffrent du syndrome de dépersonnalisation ont tellement appris à faire ce qu’ils doivent faire qu’ils ne savent plus ce qu’ils veulent faire : ils savent comment faire plaisir aux autres – et ce sont donc des êtres sociaux parfaits –, mais ils en oublient leur volonté propre. Au fond, c’est toute la problématique d’écrivains comme Romain Gary et Fernando Pessoa qui ont été une importante source d’inspiration pour le film. Par exemple, Gary s’est créé un double pour pouvoir s’affranchir de certaines pesanteurs : il a été écrivain, ambassadeur comme le rêvait sa mère, et s’est inventé un alias pour devenir lui-même. Chez Pessoa, la création d’hétéronymes visait à surseoir à un sentiment d’inexistence et de disparition. Ce qui m’intéresse chez Sébastien Nicolas, c’est que son sentiment d’imposture relève, paradoxalement, d’une recherche d’authenticité. Comme Mishima qui était « en voyage dans son corps » : il explique qu’il faisait semblant toute la journée et que, lorsqu’il se déguisait en femme, il était réellement lui-même – ce que les autres percevaient comme de la folie était sa normalité. Le protagoniste d’UN ILLUSTRE INCONNU agit par légitime défense : il ne fait rien contre les autres, et il n’aurait pas pris la place de cet homme si celui-ci ne lui en avait pas offert la possibilité. 

On pense aussi à des figures légendaires du cinéma fantastique… 

Il est son propre Docteur Frankenstein. De même qu’il évoque la figure du serial killer, qui n’en est pas un, il projette aussi l’image du super-héros avec sa cave magique, et son côté Fantômas et Docteur Mabuse. Je voulais qu’on soit toujours à la lisière du vraisemblable et du fantastique : on est dans notre monde sans y être totalement. Autrement dit, les personnages n’évoluent pas dans un univers naturaliste : on est constamment à la frontière du merveilleux, sans jamais la franchir. Par exemple, on a beaucoup travaillé sur le décor de l’agence immobilière : il ne fallait pas qu’elle ressemble à une agence réelle, car le réel ne m’intéresse pas, sans pour autant sembler extravagante. 

Sébastien Nicolas pourrait-il être la métaphore de l’écrivain ou du cinéaste qui se nourrit, littéralement, des autres pour imaginer un destin et une histoire à des personnages ? 

Tout à fait. J’ai énormément lu sur les écrivains et leur goût du double. Chez le protagoniste, il y a aussi la métaphore de l’acteur qui ne veut plus quitter son rôle parce qu’il ne se sent vivant que lorsqu’il campe un personnage. Ce qui m’intéresse dans ce phénomène d’usurpation, c’est qu’on est au coeur de la fiction : les individus souffrant de dépersonnalisation veulent que la fiction – leur « roman » ou leur « film » personnel – prenne le pas sur la réalité. 

Dans le film, la fiction triomphe sur la réalité. 

Oui, c’est une vraie victoire de la mystification. D’ailleurs, j’avais écrit une voix-off – que j’ai finalement supprimée – qui disait : «je ne contrefais pas, je fais pour». Sébastien n’est pas quelqu’un qui utilise l’identité d’autrui pour en abuser, mais qui lui donne un surcroît d’existence : il prend la vie d’un homme qui n’en veut plus. Face à ce grand musicien désespéré et confronté à lui-même, qui ne veut plus être lui-même, se dresse Sébastien Nicolas, qui a le sentiment de n’être personne, et qui est prêt à prendre sa vie. L’usurpation qui fonctionne répond toujours à un désir : on ne peut prendre la place de quelqu’un que si l’entourage veut y croire. Ensuite, Sébastien Nicolas est rattrapé par les événements. Car on ne change pas de vie sans causer de dégâts et sans faire du mal aux autres. 

Le film parle aussi de filiation, ou d’absence de filiation dans le cas du personnage de Kassovitz qui est d’une solitude terrifiante… 

La figure du père est déclinée sous plusieurs aspects : le père absent, le père religieux auquel Sébastien se confie, et le père qu’il devient lui-même puisque, d’une certaine façon, il s’auto- engendre. Et ce faisant, il devient le père d’un enfant qui a besoin d’une figure paternelle : en acceptant cette nouvelle identité, il devient son propre père. Est-ce l’amour de l’enfant qui le fait basculer, ou le fait de se fondre dans la peau de l’autre qui lui permet de devenir père ? Pour moi, on ne peut pas les dissocier. Au fond, je pense qu’il a l’impression d’exister soudain alors qu’il n’avait jamais imaginé que c’était possible. Et il franchit le Rubicon et en assume les conséquences jusqu’au bout. 

Pourquoi avez-vous choisi un violoniste ? 

Je cherchais une profession qu’on ne peut plus poursuivre quand on perd une partie de son corps. Henri de Montalte est un être de passion, habité par la musique, qui vit par la musique, et dès l’instant où il est privé de l’exercice de la musique, il perd le sens de son existence. Le violon est d’une telle précision qu’en perdant deux doigts, on ne peut plus jouer. C’est aussi un instrument dont on doit soi-même produire le son : le musicien donne vie à l’instrument et la moindre note sur un violon est propre à son interprète. Seul le violoniste peut vraiment prétendre ne plus du tout pouvoir exercer son art. Le musicien met sa musique entre lui et le monde pour se protéger : quand on lui enlève ce bouclier, il se retrouve nu et exposé au regard des autres. Et Sébastien Nicolas, qui était nu puisque dépourvu d’imaginaire, prend ce bouclier qui s’offre à lui.

Le choix de Mathieu Kassovitz s’est-il imposé d’emblée ? 

J’ai rencontré plusieurs acteurs car il s’agit d’un rôle extrêmement difficile. Mais après avoir lu une vingtaine de pages du scénario, Mathieu a appelé le producteur en lui disant qu’il ferait le film si les 40 pages suivantes étaient du même acabit ! Je pense aujourd’hui que le film ne serait pas ce qu’il est sans lui et je suis par moments saisi de vertiges en me disant qu’il aurait pu ne pas nous accompagner. Avec Mathieu, les choses ont été très simples : il a tout de suite compris ce que je voulais. Pour qu’un acteur vous donne beaucoup, il faut qu’il se livre et qu’il accède à sa fragilité, et pour y parvenir, il faut le mettre en confiance. C’est le rôle du metteur en scène. On s’est très bien entendus, en instaurant une complicité professionnelle, tout en étant très respectueux l’un de l’autre et en n’empiétant pas sur nos espaces de liberté respectifs. Dès qu’il arrivait sur le plateau et qu’il voyait la caméra, il savait exactement quoi faire et où se positionner. Il a un imaginaire, une sensibilité et une pudeur extraordinaires. 

C’était un tournage particulièrement éprouvant pour lui… 

Il a survécu à 13 semaines de tournage et à 4 heures de maquillage par jour ! Je ne mesurais pas, au départ, à quel point cela allait être une performance physique pour lui. Heureusement, Mathieu est très sportif et costaud : je pense que tout autre acteur aurait été épuisé avant la fin du tournage. Mais Mathieu est un roc, ce qui ne se voit pas forcément. Il est capable de dégager beaucoup de fragilité. En outre, il invente à chaque fois, il évite les facilités, ce qui permet à chacun de se projeter sur son personnage car il a cette capacité à jouer monsieur-tout-le-monde, tout en étant à même de jouer d’autres individus sans les singer : on sent qu’il ne compose pas. 

Était-il évident d’emblée qu’il jouerait les deux rôles ? 

Cela a fait l’objet de longues discussions et de nombreux essais. Ce qui était compliqué, c’est qu’en ne contrôlant pas l’original et la copie, Mathieu, dans son interprétation, aurait dû copier le jeu d’un personnage de fiction – autrement dit, quelqu’un qui jouerait lui-même un rôle ! On aurait multiplié ces effets de poupées russes inutilement. En réalité, le violoniste est son double parfait : après avoir copié d’autres personnages, de manière satisfaisante mais imparfaite, il trouve son « chef-d’oeuvre » avec Henri de Montalte. 

Il y a d’infimes nuances entre Henri de Montalte et la « copie » qu’en propose Sébastien Nicolas… 

Absolument. Cela a été un travail titanesque de création des maquillages. Pierre-Olivier Persin a travaillé pendant un an avant le début du tournage. Il y a d’abord le « vrai » Montalte, puis celui qu’on appelait entre nous « Sébastien de Montalte » – autrement dit, la copie – et enfin Montalte vampirisé par Sébastien. Chacune de ces incarnations nécessitait de légères différences au niveau des costumes, des lentilles, et des maquillages. D’ailleurs, le plus étonnant, c’est qu’au moment des projections-tests, la majorité des spectateurs n’ont pas reconnu Mathieu dans les deux rôles et n’ont pas remarqué qu’il était grimé. Je suis ravi parce que même si j’adore les travestissements et les maquillages, il s’agit pour moi d’un moyen, et certainement pas d’une fin en soi. 

Comment avez-vous eu l’idée de Marie-Josée Croze ? 

J’avais très envie qu’elle campe le rôle parce que je trouve qu’elle a de la force, de l’humanité et de la fragilité mêlées, et quand on la voit, on projette beaucoup de choses sur elle. Tout comme Mathieu, c’est un vrai Stradivarius. Ce que je trouve très fort dans son jeu, c’est qu’on ne sait pas ce qu’elle pense : je me raconte parfois qu’elle sait qu’elle a affaire à un imposteur, mais dans le même temps, comme elle a partagé sa vie avec un « dieu vivant » qu’elle a idéalisé, c’est intellectuellement impossible, pour elle, de s’imaginer une telle mystification. En outre, Montalte a eu un accident et a brûlé dans sa voiture, si bien qu’on peut comprendre qu’elle puisse repérer des imperfections physiques chez lui. 

S’agissant des décors, vous opposez l’intérieur ultra-fonctionnel de Sébastien Nicolas avec sa « chambre des secrets », à l’intérieur bourgeois, cossu et un peu décadent, d’Henri de Montalte. 

Pour moi, notre intérieur traduit notre intériorité : l’intérieur de quelqu’un raconte son histoire personnelle. Henri de Montalte croule sous son passé : chez lui, les cartons ne sont même pas déballés, il y a profusion de tableaux, de statues et d’objets divers, car il est encombré par sa propre histoire – tout chez lui raconte un homme qui a accumulé des objets et qui est tourné vers son passé. Chez Sébastien Nicolas, l’appartement – dans sa partie visible – n’est que fonctionnel : on pourrait presque croire qu’il s’agit d’une sorte d’appartement-témoin, comme s’il avait repéré ce logement pour sa cave et qu’il avait gardé les meubles des précédents occupants. Du coup, on a décidé avec Marie Cheminal (la chef-décoratrice) de le dépouiller au maximum. Son véritable intérieur – son univers fantasmagorique –, c’est sa cave : on y trouve les perruques, les habits, les centaines de déguisements et de téléphones portables, à l’image d’un collectionneur fétichiste du costume. Bien entendu, l’intérieur de Sébastien Nicolas contraste totalement avec celui d’Henri de Montalte. De même, avec Anne Schotte, la chef-costumière, nous avons travaillé sur les contrastes de silhouettes, de couleurs et de matières qui opposent les deux personnages. 

Quel dispositif de mise en scène avez-vous privilégié ? 

Tout est observé du point de vue de Sébastien Nicolas : en dehors du pré-générique, on le regarde comme lui-même regarde les autres. Petit à petit, le spectateur, qui a une vision clinique du personnage, épouse son point de vue, partage ses émotions et éprouve de l’empathie pour lui. Au niveau de la mise en scène, au départ tout est très cadré et Sébastien est constamment d’un côté du cadre, comme s’il était lui-même dans la maîtrise sociale : tout est impeccable chez lui – presque trop –, ce qui se retrouve dans une image très composée, assez froide et géométrique. Puis, quand Sébastien est dans la sensation, la caméra se met à bouger, les flous existent, comme si la mise en scène devenait organique. On a essayé beaucoup de caméras avec David Ungaro, le chef-opérateur, pour trouver celle qui correspondait le mieux à l’idée qu’on avait du film. On a finalement opté pour l’Arri Alexa avec une série Scope anamorphique. 

Avec quels collaborateurs avez-vous travaillé le choix des couleurs ? 

J’en ai beaucoup discuté avec Alexandre et j’ai décidé de conserver la même équipe que pour LE PRÉNOM : la même chef-décoratrice, le même chef-opérateur, le même cadreur, la même chef-costumière, la même chef-monteuse, le même 1er assistant, et le même compositeur… Je trouvais intéressant d’avancer moi-même avec des gens qui connaissaient mon fonctionnement. Avec le chef-opérateur, la chef-décoratrice et la chef-costumière, on a travaillé sur deux lignes : les couleurs – les rouges, les verts, les bleus – et les cadres. Chez Sébastien, l’univers est très monochrome car il s’agit d’un homme tout gris. À l’inverse, l’appartement de Montalte se caractérise par le vert, le rouge, la culture, et la passion. Et en même temps, David Ungaro a éclairé les couleurs différemment en fonction des moments du film. 

Quelle musique vouliez-vous pour le film ? 

Avec Jérôme Rebotier, le compositeur, on voulait que la musique orchestrale et l’opéra soient propres à Montalte. Pour Sébastien Nicolas, en revanche, j’étais parti initialement sur un univers électronique, fait de nappes musicales. Et peu à peu, Jérôme a créé une musique mélodique qui accompagne le personnage de Sébastien et qui traduit ses humeurs : comme c’est un homme de peu d’émotions et de peu de mots, la musique intervient pour traduire son intériorité. Pour autant, il fallait que les sonorités ne ressemblent pas à de la musique symphonique. On a donc travaillé sur des métissages entre musique électro, des sons et de la musique composée de manière classique. Au final, on a obtenu une partition organique qui épouse le point de vue de Sébastien Nicolas sans même qu’on s’en rende compte.

E N T R E T I E N A V E C
Mathieu Kassovitz

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le projet ? 

Le scénario était très bien écrit et très clair dans son propos. Ce qu’il a fallu définir, c’étaient les niveaux de crédibilité d’un personnage à l’autre, puis on a dû déterminer à quel moment on voulait piéger le spectateur – puisqu’il y a d’abord le «vrai» Montalte, puis un autre qui imite le vrai, etc. Ce qui a aussi résonné chez moi, c’étaient ces questions universelles qui touchent tout le monde : quelle est notre place dans la société ? Aimerait-on vivre une autre vie que la nôtre ? Le scénario est assez resserré, il ne répond pas à toutes les interrogations et, par exemple, les problèmes personnels du protagoniste ne sont pas détaillés. 

Le thème du film fait écho à UN HÉROS TRÈS DISCRET, où vous incarniez déjà un personnage qui endosse la personnalité d’un autre. 

Oui, c’est certainement une des raisons pour lesquelles on m’a contacté. Mais s’agissant de mon travail de préparation, de la façon d’aborder le personnage, et de mon jeu sur le plateau, on ne peut pas faire de parallèle. C’était une expérience très différente. Par ailleurs, on ne s’est pas attardés sur la psychologie du personnage, si bien que le rapprochement n’était pas aussi évident pendant le tournage. 

D’ailleurs, UN ILLUSTRE INCONNU est inclassable. C’est aussi ce qui vous a séduit ? 

Tout à fait. Pour ma part, je dirais qu’il me fait penser aux «films de paria» qui soulèvent des problématiques comme : comment faire pour s’intégrer ? Comment la société réagit-elle face à une attitude insolite ? Mais je crois que l’essence de ce film-là est sa profonde singularité et que l’idée des auteurs était de proposer un objet sans forcément faire référence à d’autres. On n’a pas eu une approche intellectuelle ou culturelle du sujet – on voulait seulement se concentrer sur le film seul. En revanche, pour moi, le film fait écho à Kafka. 

Comment voyez-vous le personnage ? 

Ce n’est pas quelqu’un de méchant, mais un type complètement perdu, et même lâche. Mais il va apprendre tout au long de son parcours et notamment à prendre des responsabilités grâce à Montalte. Il devient alors quelqu’un de fort qui assume enfin ses choix. 

On a le sentiment que son garage concentre sa part d’intimité. 

Quand on est perdu, on trouve refuge dans l’intime : on a tous un jardin secret, et des choses qu’on cache aux autres, des expériences qu’on veut vivre seul. On a chacun un endroit à soi, un moment qui nous appartient. Tout ce qui est caché existe et fait partie du dysfonctionnement de la société. Il y a énormément de gens qui semblent normaux et intégrés et qui vivent, le soir, des expériences totalement différentes de l’image bien lisse qu’ils donnent d’eux durant la journée. Ce qu’on dégage de soi par sa coiffure et son costume n’est qu’une facette de sa personnalité. 

Comment peut-on expliquer le comportement de votre personnage ? 

Je pense qu’il est lié au rapport à son père. Il n’était jamais présent, probablement violent… Du coup, il a cherché à changer de vie, à changer de peau. Mais c’est assez difficile de répondre car, avec Matthieu Delaporte, nous n’avons pas cherché à justifier ou à expliquer ce comportement en abordant l’aspect psychologique du personnage. Ce qui primait, c’était de l’incarner. Du coup, on a travaillé comme dans un thriller, en essayant de créer un jeu avec le spectateur. 

Vous avez subi de longues heures de maquillage pour vous métamorphoser. 

Je n’aime pas du tout être grimé ! Et puis, je n’ai pas besoin d’être maquillé pour me glisser dans la peau d’un personnage. Je trouve que le jeu et les expressions font oublier le visage du comédien. Quand on m’a proposé le scénario, je me suis dit que si j’acceptais le rôle, il fallait incarner complètement le personnage et accepter la métamorphose. En résumé, cela signifiait quatre heures de maquillage par jour et une heure de démaquillage ! Mais la démarche cinématographique était si passionnante que je voulais vraiment m’investir dans le projet en dépit des contraintes. Ce qui était un peu compliqué avec le maquillage, c’était de rester vigilant pour ne pas transpirer, et être attentif à chaque fois que je mangeais ou buvais. Je ne suis pas un acteur de «méthode» : je joue une scène en essayant de dégager des expressions, ce qui est assez technique, et le réalisateur se rend alors compte si ça passe ou non à la caméra. Avec le maquillage, on peut perdre un peu ses repères, et on est parfois obligé de forcer un trait et de rejouer la scène différemment. On peut avoir le sentiment que c’est faux, mais c’est le réalisateur qui a un regard extérieur et qui juge de la justesse. 

Comment s’est passée votre collaboration avec Marie-Josée Croze sur le tournage ? 

On s’est très bien entendus. On s’est surtout côtoyés en tant que «personnages» : elle me voyait constamment dissimulé sous le maquillage, ce qui modifie forcément la perception qu’on a de l’autre. Du coup, les rares fois où elle m’a vu tel que je suis, c’était assez surprenant ! C’est sans doute avec mon personnage qu’elle a noué une certaine complicité ! 

Quelle est la position de son personnage ? 

C’est une femme qui a bien connu un violoniste et qui croit le retrouver plusieurs années plus tard. Et elle y croit vraiment ! En réalité, elle se fait avoir. Pour elle, Montalte est un dieu vivant, et le père de son fils. Donc, elle se retrouve incapable de remettre en cause quoi que ce soit ; sa vigilance est complètement abolie. Elle n’a qu’un seul souhait : restaurer un lien entre le père et son fils. Mais je crois qu’on ne doit pas se demander si elle a compris le subterfuge. C’est une histoire qui comporte une licence poétique, qui affirme quelque chose de singulier, et il faut l’accepter car, autrement, on ne peut pas rentrer dans le film. 

Comment s’est déroulée la préparation ? 

On a beaucoup travaillé en amont du tournage. C’était une phase de préparation extrêmement technique, pendant laquelle on a décidé de l’ambiance générale et du ton du film. On voulait être sûrs que les scènes étaient claires et s’enchaînaient de manière limpide et compréhensible pour le public. Matthieu Delaporte tenait à déterminer précisément pendant ce temps de préparation la manière dont il allait tourner. J’avais vu LE PRÉNOM – c’est un film qui m’avait vraiment plu et que j’avais trouvé très drôle – mais je n’avais pas reconnu dans cette forme une oeuvre cinématographique pure. Pour moi, UN ILLUSTRE INCONNU représente le premier film très personnel de Matthieu Delaporte, écrit spécifiquement pour le cinéma. D’ailleurs, il ressemble un peu au personnage principal : je ne sais pas à quel point le film le touche personnellement, mais il a su se montrer très précis sur ses attentes.

Quel genre de directeur d’acteur est-il ? 

Sur le plateau, c’est un réalisateur qui reste très calme et posé, tout en exprimant avec beaucoup de clarté ses consignes et ses objectifs. La complexité du propos aurait pu l’entraîner dans un fouillis et lui faire perdre pied, mais il savait exactement ce qu’il voulait. Ce qui était formidable avec lui, c’est qu’il restait toujours ouvert aux propositions des acteurs. Il est capable de diriger des comédiens tout en les laissant respirer. 

En tant que metteur en scène vous-même, avez-vous été tenté d’intervenir dans la réalisation ?

Lors de la préparation, Matthieu Delaporte ne s’est jamais adressé à moi en tant que réalisateur, et il a eu raison car je n’en avais aucune envie et je trouvais que sa mise en scène était très logique et élégante. J’ai vite senti que le film serait réussi sur le plan formel. Et il possédait parfaitement son sujet, si bien qu’on avait tous confiance en lui. Je pense que c’est important pour un réalisateur d’aller jusqu’au bout de sa vision, en donnant des consignes précises aux comédiens et en communiquant ses attentes.

E N T R E T I E N A V E C
marie-josée croze

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le scénario ?

Je l’ai trouvé très original, même s’il était assez difficile à lire et à comprendre, et qu’au début j’étais stupéfaite en pensant que Mathieu Kassovitz allait devoir jouer les deux rôles. Cet enjeu difficile à relever a piqué ma curiosité. Mais je n’ai pas posé de questions d’ordre technique à Matthieu Delaporte. J’ai préféré me laisser porter par le projet. Ce qui m’a plu dans le scénario, c’est ce rapport à l’identité, cet être qui ne s’aime pas et qui préfère les autres à lui-même. J’ai trouvé cette idée très forte. 

Comment pourriez-vous décrire votre personnage ? 

Il me semble que c’est la seule personne à laquelle Sébastien Nicolas soit réellement confronté car mon personnage est susceptible de mettre en péril son aventure. Sébastien Nicolas réussit systématiquement à falsifier son identité sans jamais être démasqué. Mais cette fois, c’est différent : mon personnage le rend plus vulnérable, puisque cette femme l’a bien connu quelques années auparavant, et qu’ils ont eu un enfant ensemble. C’était un amour de jeunesse, entre deux musiciens qui se sont aimés : le père n’a pas voulu reconnaître l’enfant et elle a des comptes à lui demander des années plus tard. J’ai aimé imaginer que mon personnage a vécu sa vie de son côté, sans aucune nouvelle du grand violoniste pendant des années et qu’elle a sans doute une faille personnelle. Je pense qu’elle n’était pas d’une grande solidité, car elle n’a pas refait sa vie : elle continue à vivre un peu en marge comme beaucoup d’artistes. Elle n’est pas vraiment ancrée dans le réel : on peut la berner assez facilement parce qu’elle est «ailleurs», dans la musique, et dans ses souvenirs. La dimension matérielle ne l’intéresse pas beaucoup, ce qui se voit à son appartement un peu négligé et à son apparence peu soignée. Ce sont des éléments dont je me suis servie pour l’incarner. 

Quand elle rencontre Sébastien Nicolas, est-elle persuadée de retrouver son ancien maître ?

Oui, et elle y croit d’autant plus volontiers que leur union remonte à plusieurs années. Il n’y a aucune raison pour qu’elle se doute de quoi que ce soit : ils avaient déjà un rapport de maître à élève, et elle était une sorte de groupie face à cet homme qui avait de l’emprise sur elle. Et puis, Sébastien est très habile et compose ses personnages avec méticulosité. Je pense aussi que lorsqu’on veut croire à quelque chose, on y croit forcément. C’est d’autant plus crédible que les musiciens classiques ne sont pas extrêmement médiatisés : on n’a pas beaucoup d’images d’eux pour les voir vieillir au fil du temps. 

Avez-vous une certaine proximité avec votre personnage ? 

J’ai moi-même parfois un peu de mal avec la communication. Je me fie à l’instinct, à mon ressenti, et aux liens que j’ai noués. J’aimerais avoir un esprit plus carré ! Je comprends l’âme d’artiste de mon personnage, je suis très sensible à la musique classique et je connais le mode de vie des musiciens. Mais je crois surtout que quand on décide d’incarner un rôle, il faut qu’il y ait un aspect excitant. Pour moi, c’est important que l’activité de mon personnage m’intéresse pour que je puisse me plonger dans son univers professionnel. Quand je ne suis pas stimulée par son parcours, cela me déprime… Du coup, si je n’approuve pas moralement le personnage ou que son métier ne me plaît pas du tout, ça peut être un motif de désistement. Au contraire, quand Matthieu Delaporte m’a proposé ce rôle, c’était un univers qui résonnait déjà ! 

Comment voyez-vous le personnage interprété par Mathieu Kassovitz ? 

Sébastien Nicolas souffre d’une pathologie lourde. De façon générale, je suis toujours intéressée par les histoires de falsification, et assez fascinée par les gens capables d’endosser une autre identité - même si je ne connais personne qui ait déjà fait ça ! Sébastien Nicolas se voit comme une personne insignifiante, et c’est pour cette raison qu’il s’intéresse à la vie des autres. 

Quel genre d’acteur est Mathieu Kassovitz ? 

Il m’a beaucoup impressionnée ! Tout a l’air facile et évident pour lui, même si je sais qu’il a énormément travaillé en amont. Il n’est pas dans la «performance» : il ne donne jamais l’impression de «jouer» bien qu’il soit capable de se métamorphoser dans tous ses rôles. Il reste détendu malgré la difficulté et le challenge qu’il doit relever. Il a fait un travail incroyable : à l’image, on voit qu’il a su créer une vraie cohérence pour faire exister son personnage et lui construire un parcours. Et ce n’était pas gagné d’avance ; il a dû s’appuyer sur le scénario et aller au-delà encore. Je pense qu’il y a chez lui une part d’enfant très importante : on a le sentiment qu’il est honnête sans jamais chercher à donner telle ou telle image de lui-même, et il n’attend pas l’approbation des autres. Dans tous ses films, je trouve qu’il est touchant et vrai. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour lui. 

Comment Matthieu Delaporte dirige-t-il ses comédiens ? 

C’est un metteur en scène avec lequel j’ai adoré travailler car il est à la fois très précis et organisé. Il sait exactement ce qu’il veut, et en tant que comédienne, je me suis sentie accompagnée, respectée et mise en confiance. Il s’est toujours montré compréhensif et à l’écoute : on peut lui faire part de toute angoisse ou crainte, avec toute la maladresse du monde et il ne le prend jamais mal ! Il réagit avec une incroyable maturité face à des comédiens. Ce qui est merveilleux pour un acteur, car on s’abandonne un peu, mais on est face à quelqu’un d’adulte, qui nous rattrape si on manque de tomber. En même temps, Matthieu Delaporte sait rester en retrait et nous laisser toute la place lorsqu’on est sûrs de nous et qu’on n’a pas besoin de soutien. Il sait trouver cet équilibre : être présent sans jamais s’imposer. Il nous prend tels qu’on est de manière inconditionnelle, tout en étant centré sur le film et sur le personnage. Avec lui, nos échanges étaient toujours réciproques, et pleins d’humour. C’est une personne facile, d’humeur constamment égale, qui sait gagner le respect de son équipe.

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