jeudi 25 janvier 2018

OH LUCY !



Comédie dramatique/Un film sensible qui nous fait voyager entre le Japon et les Etats-Unis

Réalisé par Atsuko Hirayanagi
Avec Shinobu Terajima, Josh Hartnett, Koji Yakusho, Shioli Kutsuna, Megan Mullally, Reiko Aylesworth, Kaho Minami, Liz Bolton...

Long-métrage Japonais/Américain
Durée: 01h35mn
Année de production: 2017
Distributeur: Nour Films 

Date de sortie sur nos écrans : 31 janvier 2018


Résumé : Setsuko mène une vie solitaire et sans saveur à Tokyo entre son travail et son appartement, jusqu’à ce que sa nièce Mika la persuade de prendre sa place à des cours d’anglais très singuliers. Cette expérience agit comme un électrochoc sur Setsuko. Affublée d’une perruque blonde, elle s’appelle désormais Lucy et s’éprend de John son professeur ! Alors, quand Mika et John disparaissent, Setsuko envoie tout balader et embarque sa sœur, dans une quête qui les mène de Tokyo au sud californien. La folle virée des deux sœurs, qui tourne aux règlements de compte, permettra-t-elle à Setsuko de trouver l’amour ?

Bande annonce (VOSTFR)


Ce que j'en ai penséSetsuko étouffe dans un travail gris qui occupe des journées mornes au milieu de travailleurs fatigués, hypocrites ou dépressifs. Et puis, ce qui pourrait se présenter comme l'opportunité de casser sa triste routine va pousser Setsuko a écouter son instinct et à tenter de se tourner vers une vie qui lui conviendrait mieux à ses yeux. La réalisatrice, Atsuko Hirayanagi, a une approche sensible des sentiments intérieurs qui secoue son héroïne. Elle nous permet d'entrevoir certains aspects de la culture japonaise avec une belle franchise. Elle nous fait voyager puisqu'elle nous emmène de Tokyo à Los Angeles, grand écart culturel amené sous sa caméra avec simplicité et authenticité. 

La réalisatrice Atsuko Hirayangi
On suit les touchantes aventures de Setsuko entre rire et émotion, car la réalisatrice ne cache pas les imperfections de cette femme, ni sa solitude, ni son désir presque compulsif d'autre chose. Sa quête est décalée dans la façon dont elle guidée par une influence culturelle imposante, mais son ressenti est universel. Nous dévoilant une curieuse tranche de vie ancrée dans le réel, douce-amère, la réalisatrice met en scène les règlements de comptes, les non-dits et le mal-être de ses protagonistes. 

Shinobu Terajima interprète Setsuko. L'actrice est superbe dans sa façon de montrer la rébellion latente et les fêlures de son personnage. Elle est très touchante, car elle est entière et très humaine. 



Josh Hartnett joue de son charme et son affabilité dans le rôle de John. Il permet de rendre crédible l'attitude de Setsuko dès les premiers instants de leur rencontre. 




Kaho Minami interprète Ayako. Elle est très convaincante dans le rôle de la sœur de Setsuko et dans son attitude froide et son jugement permanent. L'actrice sait elle aussi faire transparaître la fragilité de son personnage sous son apparente dureté.



OH LUCY ! est un voyage culturel et émotionnel qui nous est proposé par une réalisatrice sensible qui sait intégrer ce qu'il faut de décalage à des situations réalistes pour nous intriguer et nous entraîner dans cette aventure, parfois amusante, mais surtout touchante. C'est une jolie découverte en somme.

NOTES DE PRODUCTION 
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

NOTE D’INTENTION

En tant que conteuse, je suis attirée par les plus silencieux, parce qu’ils sont ceux qui ont le plus à dire. J’aime imaginer ce qu’ils feraient s’ils avaient la possibilité de prendre la parole. Quand je suis partie aux Etats-Unis à l’âge de 17 ans dans le cadre d’un échange universitaire, je me suis moi-même transformée en une personne silencieuse. Je ne parlais pas bien anglais et j’ai immédiatement été perçue comme une « fille asiatique tranquille ». Il y avait la façade que les gens voyaient, et puis il y avait le vrai moi qui voulait s’exprimer. Ces deux facettes étaient en lutte constante pour n’être qu’une.  C’est ce thème que j’ai exploré et repris dans le parcours de Setsuko. En tant que mère de deux jeunes enfants, j’ai appris en les observant que le désir d’être entendu est un comportement inné chez nous, les humains. Les enfants agissent et parfois même détruisent les choses lorsqu’ils ne sont pas entendus. Ils veulent une attention particulière, ils essaient de nous dire qu’ils existent. À mesure que nous devenons adultes, nous apprenons à nous contrôler, mais notre besoin d’être entendu ne disparaît jamais. Je pense que notre voix cherche toujours un lieu d’existence. Pour moi, le cinéma est cet endroit, l’endroit où l’on entend notre voix et un lieu qui reconnaît notre existence.
Atsuko Hirayanagi

L’ORIGINE DU FILM

L’idée du film est issue d’un travail universitaire pour lequel on devait écrire sur une personne que l’on connaissait. J’ai choisi la personne de mon entourage qui était la moins encline à inspirer l’héroïne d’un film. Elle semblait cacher ses sentiments réels la plupart du temps et je voulais imaginer ce qui pourrait la déterminer à être sincère dans ses propos. Ensuite, j’ai voulu lui donner un alter ego. C’est l’origine de Lucy. Elle est aussi nourrie de mon expérience personnelle. Le film devait être à l’origine un long-métrage, que j’ai proposé lors de mes études. C’est mon professeur (Boris Frumin), qui est aussi co-scénariste de Oh Lucy!, qui m’a dit que ce devait être un court-métrage. On a donc condensé l’ensemble dans un court de 22 minutes. Mais je voulais explorer ce qui se passe après cette histoire, raconter où ce voyage allait amener ce personnage. Le long-métrage Oh Lucy! n’est donc pas vraiment un étirement du film, c’est une addition d’éléments au film d’origine. Mes films précédents sont des drames et je voulais au début me forcer à faire une vraie comédie, comme un défi. Mais l’histoire elle-même me ramenait au drame. Cela vient sans doute de ma nature profonde. Je crois d’ailleurs que dans la vie en général rien n’est jamais tranché. Quand les choses deviennent trop sérieuses, il y a toujours de la comédie à en extraire. Au Japon, les gens portent souvent des masques en société, afin de vivre en harmonie dans un milieu insulaire restreint. On a aussi besoin d’espace, parfois pour que les masques tombent et que l’équilibre vital se rétablisse. Aux États-Unis, j’ai senti qu’au contraire, on était poussé à se révéler et à exprimer constamment ses besoins et ses sentiments. Je voulais jouer avec ce contraste. De plus, quand on apprend une nouvelle langue, cela influe sur la façon dont on parle et sur la façon de bouger son corps et cela vous fait presque devenir une autre personne.

LE CASTING

J’ai eu beaucoup de chance et un bon timing. Tout s’est vraiment fait par étape. J’ai d’abord réalisé First Time, mon second film d’étude à l’Université de New-York. Le film a remporté le Grand Prix «Short Shorts Film Festival & Asia ». J’ai pu ensuite réaliser mon court-métrage Oh Lucy ! Et comme j’ai remporté le prix NHK-Sundance, j’ai pu actualiser un projet de co-production avec la NHK, qui m’a ouvert des portes pour le casting. C’est grâce à eux que des stars comme Terajima Shinobu ont dit oui, alors que j’étais une réalisatrice complètement inconnue. J’ai d’abord rencontré l’actrice Terajima Shinobu (Setsuko/Lucy). C’est la première à avoir rejoint l’aventure. Terajima Shinobu est formidable. Elle a le jeu dans le sang, elle donne l’impression de le faire aisément et sans effort. Elle vient d’une longue lignée d’acteurs du théâtre Kabuki. Je ne sais pas si c’est à cause des « dramas », mais les acteurs japonais ont tendance à sur-jouer. J’avais vu Shinobu dans d’autres rôles, y compris dans des films indépendants, et je l’ai toujours trouvée très naturelle, comme si elle n’était guidée que par son instinct. Je crois que c’est dans ses gènes. Elle n’en fait pas trop. Je recherchais vraiment quelqu’un comme elle, et quand son nom a été évoqué avec la NHK, je savais qu’elle serait parfaite. C’est la même chose pour Yakusho Koji (Komori/Tom). M. Tsuchiya, le producteur, lui a donné mon scénario après que l’on ait tourné quelques scènes, et c’est ainsi que l’aventure a commencé. Chacune de ses répliques vous traverse le cœur. Ses scènes ne sont pas nombreuses, mais elles laissent toutes une impression très forte. J’étais vraiment bouleversée. J’y pensais encore deux semaines après avoir tourné ses plans. Kaho Minami (Ayako, la sœur de Setsuko) m’a aussi été présentée par la NHK. Elle a lu le scénario et l’a apprécié, comme les autres. Son emploi du temps collait et elle était très enthousiaste à l’idée de rejoindre le cast. En fait, tout le monde a lu le script et vu le court-métrage, sauf Koji, qui ne voulait pas le voir avant le tournage, car il ne voulait pas être influencé. Josh Hartnett a été casté via une agence, UTA. Mais en fait, je l’avais en tête depuis le début. Ce qui m’a attiré chez lui, c’est qu’il a fait une pause en se retirant du métier de comédien pour voyager en quête de spiritualité. J’ai donc demandé à mon agent de le contacter et de lui donner le scénario. Il a rappelé immédiatement. On a parlé 15 minutes et c’était décidé dans la foulée. Je me suis sentie très chanceuse.

LE TRAVAIL AVEC LES ACTEURS

J’aime travailler simplement avec les acteurs. Ce qui est important pour moi, c’est ce qui arrive sur le tournage et savoir s’adapter. Par exemple, dans le scénario, il devait faire très beau à Los Angeles, avec un ciel radieux. Je voulais montrer le contraste avec le temps à Tokyo. Mais il a toujours fait gris quand on a tourné. Je me suis dit que ce devait être comme ça, une sorte de message de l’univers et qu’il fallait travailler avec ce que l’on avait. Du coup, ça ressemblait à un paysage japonais. J’ai dû couper des phrases de dialogue, car quand le personnage arrivait, elle s’extasiait devant le soleil de la Californie. Je travaille donc en suivant le moment, les acteurs, ce qu’ils apportent. C’est cela qui donne forme au film. Je n’ai pas vraiment de méthode : c’est comme si je suivais les acteurs et les circonstances. Je veux vraiment leur laisser un espace de liberté, les laisser suivre leurs instincts. Quand je vois qu’ils ont du mal à dire une réplique par exemple, c’est qu’il y a une bonne raison et je la change, jusqu’à ce qu’ils soient assez confortables avec pour que ça vienne naturellement. On fait des essais. En japonais, on peut parfois dire la même chose de trois façons différentes. On trouve donc la manière qui correspond le mieux à l’acteur. C’est comme ça que je façonne l’histoire.

VIBRATOR

Je n’avais pas vu Vibrator (ndr - de Ryuichi Hiroki – 2003) dans lequel joue Shinobu. C’est le jour avant le tournage de la scène de sexe dans la voiture que Shinobu me dit : «Ça fait bizarre. Il y a une scène vraiment semblable dans Vibrator». Je lui ai demandé pourquoi elle ne m’en avait pas parlé avant! J’ai pensé à changer la scène, mais c’est venu naturellement et j’en suis finalement satisfaite.

LE TOURNAGE

Le tournage s’est déroulé entre novembre et décembre 2016. 21 jours en tout. Il y a eu 2 semaines de pré-production à Tokyo, puis 2 semaines de tournage, et encore 2 semaines de pré- production à LA, suivies de 2 semaines de tournage. On a fait une pause entre les deux.

L’ÉQUIPE DU FILM

J’ai travaillé avec une équipe internationale. La directrice de la photographie, par exemple, Paula Huidobro, est mexicaine, mais elle habite à Los Angeles. Elle est allée à l’American Film Institute. Elle a donc aussi été formée en Amérique. J’avais une équipe complètement différente dans les deux pays, sauf la directrice de la photographie, qui est restée la même.

LES DÉCORS

Pour les décorateurs, il y avait quelqu’un de différent au Japon et aux Etats-Unis. Au Japon, c’est M. Akata qui s’est occupé de tout. Il a été incroyable. Chaque détail comptait pour lui. Je lui ai montré des photos, notamment pour la chambre de Setsuko. J’ai fait des recherches sur des appartements qui ressemblent à des décharges. Même les parties des pièces que la caméra ne filme pas étaient très réalistes.

 
#OhLucy

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