jeudi 8 mars 2018

CHIEN



Comédie dramatique/Sans intérêt

Réalisé par Samuel Benchetrit
Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis...

Long-métrage Français
Durée : 01h34mn
Année de production : 2017
Distributeur : Paradis Films  

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Date de sortie sur nos écrans : 14 mars 2018


Résumé : Jacques Blanchot perd tout: sa femme, son travail, son logement. Il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure, jusqu’à ce que le patron d’une animalerie le recueille.

Teaser 1 (VF)



Teaser 2 (VF)



Teaser 3 (VF)



Teaser 4 (VF)



Ce que j'en ai pensé : CHIEN ne m'a pas plu du tout. Avec un titre pareil, on s'attend à un long-métrage qui a du mordant ou qui va nous secouer les puces, mais que nenni, il s'agit typiquement du genre de film pendant lequel on se dit : "ça va démarrer", mais qui ne démarre jamais, ce qui a l'art d'être extrêmement pénible. Il n'est ni mal filmé, ni mal joué, mais la thématique est vide de sens. Si elle se veut philosophique, à mon avis, c'est raté. L'atmosphère est triste et moche. 





Au-delà de la lenteur, le problème est le manque d'intérêt du scénario. Pour parfaire le tout, plus le film avance, plus il devient glauque et bizarre, mais sans que cela apporte quelque chose à l'ensemble. On espère juste ne pas en arriver à la nausée avec le tournant que l'histoire prend. On y échappe, de justesse. Vous l'aurez compris, je vous conseille d'éviter CHIEN, tout simplement.

Copyright Photos ©JO VOETS – UMEDIA – SINGLE MAN PRODUCTIONS

NOTES DE PRODUCTION
(Á ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ENTRETIEN AVEC SAMUEL BENCHETRIT 

Avant d’être un film, Chien a été un livre publié en 2015. Comment en est née l’idée ? 
C’est mon éditeur Olivia Nora qui m’a poussé à l’écrire alors que je sortais d’une période assez difficile de ma vie, une dépression. Du moins, je lui avais raconté un peu de cette histoire, rien de bien précis, mais elle évoquait des mystères en moi et une sorte de spiritualité. J’avais alors le sentiment de ne plus faire partie de la société à laquelle j’appartiens depuis toujours. Et même une fois sorti de l’œil du cyclone, je voyais le monde comme un immense mécanisme, dont je n’étais qu’une pièce éjectée qui ne servait plus à rien. J’étais frappé d’absurdité ! Un jour, alors que je me promenais avec mon fils et le chien que je lui avais offert, je suis tombé sur un SDF qui pleurait à chaudes larmes. C’est assez rare qu’un homme à terre comme on en voit trop souvent pleure de toutes ses forces. Là-dessus, un groupe de femmes fonce vers mon fils et moi pour câliner le chien sans un regard pour le SDF ! Le point de départ du livre se situe quelque part ici. A travers lui, j’ai eu envie de parler de notre société actuelle où on nous demande à tous beaucoup et de plus en plus : l’argent, la séduction, la beauté… Et pour cela, est arrivé un personnage à qui, à l’inverse, on ne demanderait absolument rien ! Un homme qui deviendrait un chien. Donc qui n’a pas de problème d’argent et à qui on ne demande pas d’avoir de l’humour, de la conversation ou de la répartie… Une idée un peu naïve sans doute mais derrière laquelle point, selon moi, un évident fond politique et social. 

Pourquoi avoir voulu adapter de ce livre au cinéma ? 
J’ai écrit Chien sans jamais penser à faire un film. C’est mon producteur d’Asphalte, Julien Madon qui en a eu l’idée. Ca m’a d’abord surpris car ce roman me paraissait totalement inadaptable, en particulier sa deuxième partie où mon personnage se métamorphose en chien. Mais on commence à en discuter ensemble. Et là, il m’explique qu’à ses yeux, l’idée centrale du livre est cette notion de déclassement, sa plus grande angoisse au monde. Alors, je relis mon livre et je découvre que dès le départ, Jacques Blanchot se comporte comme un chien. Il est d’emblée dans une totale soumission. Il ne réagit pas une seconde au fait que sa femme se gratte et devienne soi-disant allergique à sa présence. Or, pour avoir vécu ces périodes de dépression, je sais que la soumission constitue une porte de sortie, un radeau au milieu de la tempête. On se met dans le sens du vent et on attend que ça se calme. Le véritable courage peut aussi se cacher dans le fait de ne pas résister. Porter à l’écran cette histoire ne me paraît donc plus impossible et je me lance dans son adaptation avec mon complice habituel, Gabor Rassov. 

Comment travaillez-vous alors ensemble ? 
On n’écrit pas ensemble, on parle. On a des discussions qui vont de plus en plus loin, comme deux ados qui se tireraient la bourre sur leur imaginaire. Voilà pourquoi on a tout de suite voulu donner un aspect conte fantasmé à ce récit. De plus, à chaque fois, quel que soit le sujet, Gabor se pose un problème de société. Ainsi, pour lui, Chien est une hilarante comédie sociale. Il le voit au dixième degré. 

Ce qui n’est pourtant pas la première impression qu’il dégage… 
Cela dépend des gens. Du moment. D’où l’on se place justement par rapport à notre socié- té. J’en ai bien conscience notamment au vu des réactions du public aux différentes projections organisées depuis le festival de Locarno. Chien touche, trouble, dérange… En fait, les gens s’approprient le personnage de Jacques en se mettant à sa place, avec cette peur du déclassement que j’évoquais plus haut. Pour autant, Jacques n’attire pas d’emblée la sympathie et je ne cherche d’ailleurs jamais à appuyer sur cette corde-là. J’avais la matière au montage pour le rendre plus « compréhensible », plus « touchant », mais cela aurait été de la triche, un mensonge, je ne peux pas faire ce film et faire semblant ou vouloir plaire à tout le monde. Jacques Blanchot n’est en fait ni sympathique, ni antipathique. Juste différent. 

Qui est alors Jacques Blanchot à vos yeux ? 
Avant tout un homme totalement dénué de cynisme. A l’image des animaux qui n’ont aucune revanche à prendre et ne cherchent pas a priori à se venger et à manipuler. La métaphore nous paraissait donc assez simple. Prenez le héros de La métamorphose de Kafka qui se transforme en cafard : à aucun moment, il ne se pose la question de pourquoi et comment il devient un cafard. La seule chose qui l’intéresse est de savoir ce que vont dire et voir les autres : les voisins de son immeuble, ses collègues de travail... Donc en creux, Chien parle du monde dans lequel on vit, dominé par l’apparence et le paraître. Jacques est d’emblée porté vers le ciel. Le ciel et les hélicoptères qui y passent parfois, le ciel au-dessus de la ville industrielle où l’on confond les nuages et la chimie. Jacques croit les gens. Il ne prend rien contre lui. Il est automatiquement dans la démarche de comprendre l’autre et de se dire qu’il a une bonne raison de ce conduire de telle ou telle façon. Il est aussi dégagé du lendemain. Il n’est pas dans la prévoyance. Il ne se dit pas que sa vie va s’arranger puisqu’il ne se sent ni trahi, ni dans l’injustice. 

Vous voyez Chien comme un film politique ? 
Oui car il parle à sa manière de fascisme, d’autorité et de pouvoir. Vincent Macaigne y voit même un rapport au djihadisme. Comme dans tous les films qui sont des abstractions ou des dystopies, chacun peut en fait y mettre ce qu’il ressent. J’aime que l’on me parle d’une réalité sans ne jamais perdre le rêve. C’est ce que sont les hommes, je crois. Je veux être proche de mon personnage, ne pas non plus chercher à forcer le spectateur à une idée ou une pensée unique. Aussi, pour moi, Chien est un film sur des gens en colère, à bout, à bout de force au cœur d’un monde qui s’effondre. Des populations de plus en plus nombreuses que l’on sollicite chaque jour davantage, ce qui les conduit à une plus grande crise identitaire et à une solitude. 

On ne sait d’ailleurs pas précisément où l’action se déroule… 
C’est volontaire. On a tourné dans des endroits très différents pour créer cette dystopie. Ce n’est en tout cas ni une ville définie, ni une ville chaleureuse. Mais une succession de lieux de béton, de maisons carrées comme des boîtes, de cages, de grilles… Mon précé- dent film, Asphalte, montrait des gens qui chutaient pour se relever dans un décor en ruine. Dans Chien, les décors chutent avec les personnages. Il ne fallait pas que le soleil soit trop chaleureux. Je recherchais un effondrement de la nature dans ce monde de béton pour qu’à l’intérieur de celui-ci, on découvre une sorte de Saint. Un type d’une grâce absolue : Jacques. Un homme qui marche dans la ville. Je pensais souvent à ce personnage d’Italo Calvino : Marcovaldo. Cet ouvrier Romain capable de repérer la nature perdue ou oubliée dans la ville. D’ailleurs avec mon directeur de la photo Guillaume Deffontaines, nous avons surtout parlé de spiritualité pour la manière d’éclairer ce personnage, baigné de lumière, avec des sources souvent artificielles et irréelles. 

Pourquoi l’avoir choisi comme chef opérateur ? 
On avait déjà travaillé ensemble sur des clips. Guillaume est un très grand technicien. Très proche des nouvelles technologies. J’ai eu beaucoup de mal au passage de la pellicule au numérique. Je n’aimais pas que l’on me donne comme argument : « Tu vas voir, c’est comme du film, comme du 35mm, tu ne verras pas la différence ! » Moi je voyais la différence, parce que je savais comment nous avions tourné. Je me disais qu’il fallait que je m’éduque à cette nouvelle façon de faire. Guillaume est dans cette démarche. Nous avons beaucoup préparé ensemble. Mais en gardant notre esprit totalement ouvert à ce qui arrivait dans le présent du tournage. Jusqu’ici dans mes films, la caméra en savait toujours un peu plus que les personnages. Ici, elle reste narratrice mais je ne voulais pas perdre mon personnage. Ne jamais être en retard ou en avance par rapport à lui. Et on a donc eu cette idée de jouer beaucoup sur les seconds plans. D’avoir en permanence Jacques à l’image mais que les choses se jouent dans son dos, à côté de lui… 

C’est pour cela que vous avez choisi de filmer en scope ? 
Exactement. En pensant à ce film, j’ai tout de suite eu en tête l’image d’un chien allongé. J’imaginais un film… allongé, ambiance que le scope permet de rendre au mieux tout en apportant une sorte de mélancolie. Car Chien a aussi pour moi la saveur d’un road movie à l’intérieur d’une ville. Aussi ce format me permettait d’isoler encore d’avantage Jacques dans l’image et le décor. Le hors champ se situait en face de lui, dans ce qu’il voyait à travers ses yeux émouvants. 

Vous avez regardé des films ensemble pour vous en influencer ? 
Non, aucun cette fois-ci. Mais beaucoup de photographies de divers artistes, plutôt scandinaves. Car pour moi, Chien est un film du Nord... 

Qu’on peut aussi lire comme un film sur la paternité, à travers la relation singulière entre Jacques et son fils… 
Oui Chien raconte aussi comment ce père va se débrouiller pour se retrouver dans la chambre de son gamin et être enfin un peu regardé par lui en tant que chien. Puisqu’en tant qu’homme, il n’a jamais vraiment su comment s’y prendre ! Mais ce film parle aussi d’une rupture amoureuse. On comprend d’emblée que Jacques aime éperdument sa femme. Qu’il ne la juge pas, pas plus qu’il ne questionne sa prétendue allergie à lui ou la présence de l’homme qu’elle a rencontré et qui va prendre sa place dans son lit. Car pour moi, si la séparation apporte une forme de violence, elle peut aussi offrir une autre place à côté de celle ou celui qu’on aime. Celle de l’amitié, de la mémoire… Je ne crois pas que les choses s’arrêtent brutalement. J’espère que l’on aime pour toujours. C’est stupide, mais je l’espère sincèrement. Ici, Jacques est quitté par sa femme, mais quelque part, il prend mieux qu’elle cette situation, comme celle de son patron qui le vire. C’est simplement un honnête homme. 

Quand avez-vous pensé à Vincent Macaigne pour incarner Jacques Blanchot ? 
Assez tard. C’est en fait un acteur que je connaissais assez mal. J’étais surtout familier avec son travail de metteur en scène. Quand son agent m’a parlé de lui, je le trouvais trop jeune pour le rôle tel que je l’avais en tête. Mais en le rencontrant, j’ai tout de suite été épaté par sa vision du scénario et les idées qu’il a immédiatement apportées au personnage. Et la première lecture que nous avons faite ensemble n’a fait que confirmer cette impression. Il était pile dans l’esprit de ce que je voulais raconter et dans la manière dont je souhaitais le faire. Et surtout, il aime jouer. Profondément. Et moi, j’aime les acteurs qui aiment jouer ! Sur le plateau de Chien, j’étais particulièrement gâté, je n’avais que ça ! Apres cette lecture, et tout au long de notre travail ensemble, nous n’avons pas beaucoup parlé du personnage qu’il devait incarner, mais plutôt du monde dans lequel il vit, ou de notre monde tout simplement. 

Et Bouli Lanners … 
Oui même si ce n’est pas lui mais Jean-Claude Van Damme qui devait jouer à l’origine ce dresseur de chiens. Quand j’ai écrit le livre, j’avais l’image de Chuck Norris en tête : cette figure angoissante d’un homme sûr de son fait et qui n’en démordra jamais. En l’occurrence, ce dresseur déçu par les hommes - et sans doute encore plus par les femmes - ne jure que par les animaux et l’autorité violente qu’il exerce sur eux. Il parle des bêtes comme il pense aux hommes. Physiquement, Jean-Claude me paraissait parfaitement correspondre à ce que j’avais en tête. Mais j’ai assez vite compris qu’on n’avait pas la même vision des choses. Je ne sais pas s’il avait vraiment compris le film que je voulais faire, et les moyens financiers dont je disposais !! On s’est donc séparé à l’amiable. Et je me suis alors réfugié vers la garde rapprochée. J’avais déjà dirigé Bouli dans J’ai toujours rêvé d’être un gangster et je savais qu’il irait au bout de ce personnage. Je ne connais pas d’homme ayant plus d’humanité que lui. Or ici, ce non-violent pacifique joue un salaud de la pire espèce, une pourriture d’une grande violence, ou un être totalement égaré sur cette terre. Et ce de manière extraordinaire. Les gens plus doux dans la vie font souvent les meilleurs monstres à l’écran. Ils aiment avoir d’un coup le droit d’être le diable. On remarque aussi l’inverse ! Des salauds dans la vie qui ne veulent jouer que des héros au cinéma ! Pourtant, il n’y a rien de facile à se retrouver dans un parc, devant des figurants, à jeter une balle à un mec et lui dire d’aller la chercher. Comment ne pas sombrer dans le ridicule et garder intacte la cruauté de la situation ? Bouli comme Vincent s’en sont acquittés brillamment. C’était assez fascinant de voir comment au mot « Action », ces deux garçons qui s’entendaient à merveille basculaient instantanément dans un autre rapport, en rentrant dans le ring de la comédie. 

Pour compléter le trio central du film, vous avez fait appel à Vanessa Paradis dans le rôle de la femme de Jacques. Pourquoi ce choix ? 
Vanessa est la première à qui j’ai pensé. Cela fait longtemps que je voulais travailler avec elle. Car il se dégage d’elle depuis toujours une humanité incroyable et une grâce peu commune. Soit deux éléments essentiels pour ce rôle de femme que j’ai beaucoup adouci par rapport au roman mais qui va tout de même abandonner son mari, au fil de scènes franchement complexes à interpréter. Je savais que cette sympathie immédiate qui émane d’elle et la popularité chaleureuse qui l’entoure depuis des années allaient apporter énormément à ce personnage. Mais j’avais aussi conscience qu’il s’agissait d’un petit rôle et je pensais franchement qu’elle déclinerait la proposition. Pourtant, quasi immédiatement, elle m’a dit oui. Là encore, comme pour Vincent et Bouli, par goût du jeu. Parce que ça l’amuse. Au sens premier du terme. Et parce qu’elle avait envie de voir ce film. 

Répétez- vous beaucoup avec vos comédiens, avant le tournage ? 
Non. Sur Chien, on n’a même pas fait une seule répétition. Et sur un plateau, je parle de moins en moins à mes acteurs. Quand j’ai débuté, je les inondais de détails. Aujourd’hui, avant chaque scène, je leur demande juste de jouer comme ils le sentent sans donner aucune indication préalable. Puis je rebondis sur leurs propositions en fonction de ce que j’avais imaginé. A partir de là, on met réellement en place la première prise. Et, au fil des prises, je leur dis juste « un peu plus fort », « un peu plus bas », « un peu plus lentement », « un peu plus rapidement ». J’aime surtout leur parler d’autre chose et les encourager. C’est pour cela que je prends du temps pour les trouver. Mais une fois choisis, je sais que nous faisons bien le même film et allons dans la même direction. Donc quelques mots me suffisent pour les diriger… 

Et ce au cours d’un tournage très rapide qui demande donc une efficacité permanente… 
Oui seulement 5 semaines en hiver et avec des chiens, ce qui accentue évidemment encore la difficulté. En fait, le tournage devient une sorte d’atelier géant où il faut réécrire des scènes quand les chiens refusent de faire ce qui est prévu. Mais malgré ce manque de temps, je ne ressens jamais vraiment de pression. On sait bien que les meilleures fêtes ne sont pas celles où tout est organisé de A à Z, et surtout les plus dotées financièrement. Il en va de même pour les tournages. Je sais à l’avance en me lançant dans ce film que je n’aurais pas accès au luxe et au confort. C’est ainsi. J’ai la chance d’avoir des producteurs d’un courage et d’une foi exemplaire. Qui finissent d’ailleurs par investir l’argent qu’ils ont gagné sur d’autres films plus commerciaux dans les miens. Des producteurs à l’ancienne ! Mais je ne me plains pas du tout. Je comprends très bien tout cela, c’est devenu logique pour moi. J’aime même assez ce fameux moment où l’on me demande de réduire, de couper, de tourner plus vite. En général peu de temps avant le tournage. L’argent n’est pas arrivé et je dois m’y accorder. Ces restrictions activent mon imaginaire, me poussent, et m’offrent d’autres grands luxes : une liberté, une équipe technique déterminée à faire du cinéma, des acteurs surinvestis. 

Vous parliez d’un tournage comme d’un atelier géant. En quoi votre film s’est modifié sur le plateau par rapport au scénario ? 
Il n’y a pas eu de si grands changements à part l’adaptation avec les chiens dont je parlais plus tôt. Malgré tout, Vincent a fait quelque chose d’extraordinaire qui n’était ni écrit, ni pré- vu. Lors de la scène très violente où Bouli le frappe, il a souri. Et il n’a dès lors jamais cessé de sourire en prenant coup sur coup sur son visage ensanglanté. C’est l’image qu’on a retenu pour l’affiche. C’était très impressionnant à voir et j’ai donc réarticulé mon film par rapport à cette réaction. Parce que Vincent y était à 100% le personnage. Il était allé plus loin que moi à l’écriture. Cela symbolise le ton de ce film, moins drôle, plus cru, plus froid, plus sec que celui du livre. Mais sans doute plus touchant aussi. J’aime le mot que Vincent a pour le définir : punk. Punk comme une forme de révolution. Car je crois qu’à sa manière Jacques Blanchot est un révolutionnaire. Le singulier prophète d’une révolution pacifique. Sur lui, tout glisse car nul ne peut pas avoir d’emprise sur un homme qui aime autant les gens. On me demande d’ailleurs souvent pourquoi Jacques ne se révolte pas. Et je retourne à chaque fois la question. Pourquoi devrait-il à tout prix le faire ? Qu’est- ce que cela changerait au fond ? Son patron le réembaucherait ? Sa femme l’aimerait à nouveau ? Bien évidemment, non. J’aimerais voir un jour un monde uniquement peuplé de Jacques Blanchot. Juste une journée, pour voir. 

Ces bouleversements que vous évoquez se sont poursuivis lors du montage ? 
J’ai vécu une expérience à l’opposé d’Asphalte, film quasiment tourné-monté. Sur Chien, j’ai énormément souffert lors de toutes les scènes avec les chiens sans pouvoir me couvrir en raison du peu de semaines de tournage. Du coup, à l’arrivée, tout ne raccordait pas. Il a donc fallu être habile, réinventer certaines scènes. Mais, au final je trouve ces contraintes merveilleuses. Elles permettent au film de devenir au fond ce que j’ai profondément eu envie qu’il devienne. Elles nourrissent mon imagination. Et le rêve soulage souvent le réel. Mais, pour cela, il est indispensable de savoir s’entourer de gens que cette aventure excite et anime. Y compris et surtout au montage qui s’est déroulé en deux temps. D’abord avec Thomas Fernandez puis avec Hervé Schneid qui a su pointer instantanément les moments où l’on pouvait resserrer l’intrigue sans l’abîmer. J’ai retrouvé avec Hervé les discussions sociales et spirituelles, que j’avais avec l’équipe et les acteurs sur le tournage. 

Et comment en avez-vous choisi la musique qui l’accompagne ? 
J’ai eu un mal fou à la trouver. Je voulais d’un film silencieux tout en ayant bien conscience qu’il me faudrait malgré tout ici et là des moments musicaux pour accompagner le récit. Je cherchais quelque part une musique qui viendrait de la nature. Or il se trouve que j’écoutais à ce moment- là « Music for heart and breath », un album signé d’un musicien surdoué : Richard Reed Parry, l’un des leader d’Arcade Fire, qui en dehors de ce groupe, fait de la musique classique minimaliste inspiré de Steve Reich ou Philip Glass avec un quatuor. Un jour, j’ai mis sa musique sur mes images et ça collait à merveille. Je lui ai envoyé un mail pour qu’il puisse visionner le film. Il a aimé et m’a accompagné. D’ailleurs, quand je parle d’un film silencieux, ce n’est pas tout à fait vrai. Le film est plutôt très bruyant en fond. Chaque scène est chargée de machines, d’industrie, de néons. Sébastien, mon monteur son a travaillé très en amont pour récolter et composer cet habillage. 

Comment se sont passées les premières projections dans les festivals ? 
Contrastées ! Certains adorent. D’autres ont quitté la salle pendant les scènes plus violentes de la fin. Mais je comprends, enfin, je sais qu’un film comme Chien ne peut pas faire l’unanimité. Et tant mieux. Je crois que ce film a besoin de se digérer. C’est difficile d’en parler après la projection. J’ai fait quelques rencontres avec le public après des séances en festivals. Jamais je n’ai eu de rencontres aussi passionnantes et même aussi longues après un film. L’impression que les gens reprenaient leurs esprits au fur et à mesure. On m’a dit plusieurs fois « Pourquoi cette violence ? » Mais je n’ai pas l’impression que ça l’est plus qu’au journal de 20h sur TF1. Sauf que cette violence à 20h est dans le réel, on l’accepte, on la démocratise. On m’a dit « Je vais au cinéma pour me divertir ! ». Moi aussi ! Mais j’y vais pour des milliers de raisons. Pour avoir peur. Pour rire. Pour pleurer. Pour être secoué. Les films des autres, à toutes les périodes de ma vie m’ont secoué, dérangé, et surtout fait changer. Ils m’ont donné de la force, de l’amour, de la colère. Ils m’ont montré mon monde, d’autres mondes, d’autres mondes dans mon monde. Ils m’ont fait me demander.

Copyright textes des notes de production @ Paradis Films

 
#Chien

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